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Émettre une hypothèse, c’est prendre tous les indices pour construire une histoire qui se tient, un peu comme la reconstitution d’un crime. Ainsi, si on combine les indices géologiques, écologiques (flore et faune) et archéologiques et qu’on les date par des méthodes de datation éprouvées, on peut reconstituer l’histoire des premiers arrivants dans la région des Cantons-de-l'Est. Mais pour que l’histoire s’inscrive dans un contexte, il est nécessaire d’examiner les indices à l’échelle de l’Amérique du Nord. C’est de cette manière qu’on a déduit que les premiers arrivants sont passés par la Béringie pendant le retrait des glaciers, il y a environ 15 000 ans. Les descendants de ces chasseurs nomades, appelés Clovis, ont inventé les pointes à cannelure. Leurs descendants ont traversé le continent, jusqu’à l’océan Atlantique. Il y a environ 13 000 ans, quelques chasseurs auraient quitté la Nouvelle-Angleterre pour suivre le caribou jusque dans les Cantons-de-l’Est. Au cours des deux millénaires suivants, le glacier a poursuivi son retrait et le paysage s’est transformé. De nouveaux accès au territoire ont été créés. Des chasseurs, d’une autre culture, sont arrivés de l’ouest.

Animation réalisée par le Musée de la nature et des sciences de Sherbrooke
Date : septembre 2018
Durée : 8:02

Un personnage animé, Éric Graillon, présente une hypothèse sur l’arrivée des premiers humains dans les Cantons-de-l’Est à partir des indices géologiques, écologiques (flore et faune) et archéologiques datés à l'aide de méthodes de datation éprouvées. Mais pour que l’histoire s’inscrive dans un contexte, il est nécessaire d’examiner les indices à l’échelle de l’Amérique du Nord.

Le titre : Hypothèse du peuplement apparaît dans un rectangle jaune au centre de l’écran. Derrière, une illustration ombrée d’une montagne.

[ P.A. ] Hypothèse du peuplement

Apparaît à l’écran une vue sur la planète Terre de l’espace. Une vue rapprochée sur le continent de l’Amérique du Nord est visible par-dessus la planète. Disparition de l’image du continent et apparition d’artéfacts de formes pointues ou carrées. Disparition de la photo et apparition de trois experts en train de faire l’analyse en extérieur d’une carotte de sol sur une surface plane et sur laquelle il y a un long tube. Disparition de la photo et apparition d’une image présentant des artéfacts numérotés de 1 à 13 et présentant une gravure d’un castor.

[ Personnage animé ] Pour émettre une hypothèse sur l’origine du peuplement des Cantons-de-l’Est, il faut analyser les indices à l’échelle de l’Amérique du Nord. Il faut regarder à la fois la forme des artéfacts retrouvés, les matériaux avec lesquels ils sont faits, le sol, le pollen prélevé dans les carottes sédimentaires, les biofacts et tirer le maximum d’information des méthodes de datation.

Apparaît à l’écran une carte géographique de l’Amérique du Nord sur laquelle figure les mots : Inlandsis laurentidien et dont le continent est couvert de glace. En arrière-plan, on voit des glaciers.

[ P.A. ] Les premiers humains seraient arrivés sur le continent nord-américain alors que les glaciers qui couvraient le continent depuis près de 70 000 ans commençaient à se retirer. La cartographie et la datation des dépôts glaciaires permettent de reconstituer le retrait du glacier. La datation d'artéfacts découverts dans la grotte du Poisson-Bleu au Yukon indique une présence humaine il y a un peu plus de 20 000 ans avant aujourd'hui.

Apparaît à l’écran une carte géographique de la région Nord du globe, entre la Sibérie et l’Alaska qui défilent : il y a 20 000 ans, alors que l’eau entre les deux régions est gelée, il y a 15 000 ans, alors que l’eau était partiellement gelée et une carte d’aujourd’hui, où l’eau est complètement dégelée.

[ P.A. ] Il faut comprendre que la quantité totale d’eau sur la planète était la même que celle d’aujourd’hui. Comme une énorme quantité d’eau était prisonnière des glaciers, il y avait moins d’eau dans les océans. Le niveau marin était donc beaucoup plus bas. Cela a eu pour conséquence de mettre au jour un passage entre la Sibérie et l’Alaska, appelé Béringie.

Apparaît à l’écran une vidéo d’un lac gelé.

[ P.A. ] C’est par là que les premiers chasseurs de gros gibiers seraient arrivés. Les ancêtres des Amérindiens seraient donc asiatiques. Ils auraient marché entre le glacier et la côte. Des artéfacts et des biofacts vieux de 20 000 ans ont été découverts dans la Béringie et d’autres, datant de 15 000 ans, le long de la côte.

Apparition d’une carte géographique présentant la répartition des Clovis en Amérique du Nord il y a 13 000 ans.

[É. G] À partir de 13 500 ans, leurs descendants se sont dispersés en Amérique du Nord. On les a appelés les Clovis, du nom de la ville où la première pointe a été découverte.

Apparaît à l’écran une photo de trois pointes à cannelures. Apparition d’une carte géographique présentant la région du fleuve St-Laurent et où l’on voit les déplacements des Clovis à partir des Grands Lacs vers l’est du fleuve St-Laurent.

[ P.A. ] Les Paléoindiens de l’époque fabriquaient des outils et des pointes munies de cannelures pour permettre un meilleur emmanchement. Il y a 13 000 ans, quelques descendants des Clovis se trouvaient autour des Grands Lacs et s’avançaient vers l’est, au sud du Saint-Laurent.

Apparaît à l’écran une image de différents artéfacts présentant différentes formes (pointes de flèche à cannelures plus ou moins rondes et plus ou moins grosses.

[ P.A. ] L’hypothèse des déplacements humains se fonde principalement sur la typologie, c’est-à-dire la méthode de datation basée sur la classification des artéfacts selon leur ressemblance. On suppose que les fabricants de pointes à cannelure faisaient tous partie d’une même tradition.

Apparaît à l’écran une animation d’un sol en coupe, dans lequel on voit des artéfacts à différentes profondeurs dans la terre. Un artéfact plus en profondeur est désigné par la mention plus ancien et un artéfact en surface porte la mention plus récent.

[ P.A. ] La stratigraphie, c’est-à-dire la méthode de datation basée sur la profondeur de l’enfouissement des artéfacts, permet d’affirmer que les premiers humains ont suivi la marge glaciaire. Cette technique permet aussi d’établir des ordres d’arrivée.

Apparaît à l’écran une carte géographique interactive sur laquelle on voit l’évolution de la fonte du glacier et où la ville de Sherbrooke ainsi que la mer de Champlain sont indiquées : il y a 13 000 ans, il y a 12 900 ans, il y a 12 500 ans, il y a 12 000 ans et il y a 11 500 ans.

[ P.A. ] Les eaux de fontes du glacier avaient créé une mer intérieure, la mer de Champlain, qui empêchait les chasseurs d’aller vers le nord. L’étude des fossiles marins permet de localiser cette étendue d’eau salée.

Apparaît à l’écran des buttes de plaques de glace et ensuite des vastes étendus de forêts couverts de neige.

[ P.A. ] La localisation et la datation des débris glaciaires permettent d’affirmer qu’il y a environ 12 700 ans, le climat s’est refroidi à nouveau et que la déglaciation s’est momentanément arrêtée. Pendant cette période, connue sous le nom de Dryas récent, quelques groupes descendants des Clovis se sont aventurés à l’est des Grands Lacs.

Apparaît à l’écran une carte géographique où l’on voit le lac Ontario et la mer de Champlain. La répartition des Clovis est indiquée par des points rouges. Ensuite, changement de carte pour une carte illustrant la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Maine ainsi qu’une partie de la côte est des États-Unis ainsi qu’une section du Québec. Les sites du Paléoindien ancien et du Paléoindien récent sont indiqués, ainsi que les sources lithiques.

[ P.A. ] Il y a environ 12 500 ans, les descendants des Clovis s’étaient dispersés sur tout le territoire des États-Unis. Ils avaient rejoint les rives de l’océan Atlantique, comme en témoignent les pointes à cannelure qui y ont été retrouvées. Certains ont longé la côte, jusqu’en Nouvelle-Écosse. La Nouvelle-Angleterre était un endroit intéressant pour ses sources de matières premières riches en silice. Les quelques sites où elles affleurent ont été fréquemment visités par les premiers habitants, puisqu’on retrouve des pointes et des outils faits du même matériau sur plusieurs sites archéologiques.

Apparaît à l’écran une image de pointes de flèches en chert et en rhyolite.

[ P.A. ] Ainsi, les groupes nomades partageaient un réseau lithique dominé par l’utilisation de rhyolites et de chert de la Nouvelle-Angleterre, comme le confirment les analyses géoarchéologiques. On peut aussi penser que les Paléoindiens entretenaient un réseau d’échange de matériaux, d’objets et d’idées.

Apparaît à l’écran un paysage d’arbres en ombre et ciel nuageux au travers duquel il y a un levé de soleil.

[ P.A. ] Toujours est-il que l’été, certains partaient à la chasse dans le nord. C’est comme ça que les archéologues croient que le peuplement des Cantons-de-l’Est a commencé. Les premiers humains à s’être installés dans la région arrivaient probablement de la Nouvelle-Angleterre.

Apparaît à l’écran une carte géographique montrant le lac Mégantic et la Nouvelle-Angleterre. Des traces de pas partant du sud vers le nord sont visibles.

[ P.A. ] Ils auraient longé la rivière Kennebec et traversé les montagnes frontalières pour s’installer près du lac Mégantic, un des premiers endroits à s’être libéré des glaces au Québec. Le matériel archéologique découvert sur le site Cliche-Rancourt présente de fortes similitudes avec les assemblages de la Nouvelle-Angleterre.

Apparaît à l’écran une carte géographique présentant la distribution des différents sites qui ont été habités à l’époque du Paléoindien dans la région du sud du Fleuve Saint-Laurent et de la Nouvelle-Écosse.

[ P.A. ] D’autres chasseurs ont suivi la côte et se sont rendus dans les Maritimes. Le site Debert, en Nouvelle-Écosse, renferme aussi des indices de la présence humaine remontant à 12 500 ans avant aujourd’hui.

Apparaît à l’écran des vidéos qui défilent : étendue d’eau avec des plaques de glace qui flottent et qui se déplacent, montagne couverte d’arbres et de neige, gros plan sur des épines d’arbre, grain de pollen grossi au microscope avec le titre : Pollen d’épinette.

[ P.A. ] Lorsque le climat a recommencé à se réchauffer il y a environ 11 700 ans, la déglaciation s’est remise en branle. Dans la région, le réchauffement climatique a entraîné la croissance de pessières et de sapinières, pour former des forêts de plus en plus denses, attirant une plus grande diversité d’animaux. L’analyse des grains de pollen prélevés dans des carottes de sédiments au fond des lacs et dans l’humus enfouis permet de le confirmer.

Apparaît à l’écran une photo de deux pointes de flèche : une longue et pointue et une autre plus courte et un peu plus ovale.

[ P.A. ] Entre 11 000 et 10 000 ans, un ou deux autres groupes de nomades, avec deux nouveaux types de pointes, ont fréquenté les lieux. On retrouve leurs traces sur tous les sites archéologiques paléoindiens des Cantons-de-l’Est. Cette culture du Paléoindien récent, appelée Plano de l’Est, est fortement représentée sur le site Kruger 2 à Sherbrooke.

Apparaît à l’écran une carte géographique du sud du fleuve Saint-Laurent présentant la répartition de différents sites qui ont été habités à l’époque du Paléoindien.

[ P.A. ] La découverte de pointes semblables dans l’Ouest américain indique que ces chasseurs venaient là. Ils ont adapté leurs pointes à un milieu de plus en plus forestier. On croit qu’ils ont longé les grands lacs avant d’arriver et de s’installer dans la région.

Apparaît à l’écran des vidéos qui défilent : Poisson dans un lac qui nage, castor qui nage et transporte une branche d’arbre, barrage de castor, bûches en flammes en gros plan,

[ P.A. ] Les nombreux ossements des restes alimentaires retrouvés sur le site Kruger 2 indiquent que la faune était diversifiée et que les Paléoindiens de cette époque se nourrissaient de différents gibiers et poissons. Les nombreux éclats retrouvés laissent supposer la présence d’un atelier de taille. La présence de pierres de foyer et d’une pointe de rhyolithe chauffée a permis de dater le site par la technique de luminescence optique. Il aurait été fréquenté il y a environ 10 000 ans.

Apparaît à l’écran une carte géographique du sud du fleuve Saint-Laurent datant de l’époque du Paloéindien et sur laquelle la région de la Gaspésie est indiquée.

[ P.A. ] Certains des groupes de Paléoindiens de la culture Plano de l’Est se sont aventurés vers le nord, jusqu’en Gaspésie.

Apparaît à l’écran des vidéos qui défilent : Montagne couverte de neige et d’arbres, chevreuil qui mange des feuillages en bordure d’une route en terre battue, branche d’arbre d’un feuillu couverte de feuilles aux couleurs d’automne avec un ciel bleu en arrière-plan, petit ruisseau en paliers où l’eau coule, photo d’une pointe de flèche avec cannelures avec le texte : Archaïque moyen, environ 8 800 à 6 800 AA et une échelle de grandeur de cinq centimètres, photo d’une pointe de flèche pointue à pédoncule avec le texte : Archaïque laurentien, environ 6 800 à 4 500 av. auj.

[ P.A. ] Pendant les 6 000 ans qui ont suivi, les températures plus chaudes ont continué à favoriser la diversification de la faune et de la flore. Les érables se sont implantés, comme en témoignent les analyses polliniques. L’exploitation des nouvelles ressources a entraîné une transformation des techniques de fabrication d’outils. La culture de la période archaïque a vu le jour avec ses outils polis et bouchardés comme les haches et les gouges, ses pointes polies et taillées à pédoncule et à encoches latérales, ses hameçons, ses aiguilles en os. On retrouve des traces de cette culture sur le site Gaudreau à Weedon.

Apparaît à l’écran des aiguilles d’horloge qui avancent dans le temps. Photos qui défilent et l'information Sylvicole inférieur, environ 3 000 à 2 400 AA, avec une photo d’une pointe de flèche accompagnée d’un artéfact de forme rectangulaire constitué de deux trous en son centre. L'information Sylvicole moyen, environ 2 400 à 1 000 AA, avec la photo d’une pointe de flèche accompagnée d’un artéfact de forme carrée et percé d’une multitude de petits trous. L'information Sylvicole supérieur, environ 1 000 à 400 AA, avec une photo d’une pointe de flèche de forme triangulaire accompagnée d’un artéfact ressemblant à un goulot de bouteille avec une échelle de grandeur de cinq centimètres, rocher de nuit avec un ciel étoilé.

[ P.A. ] Il y a 3 000 ans, la période de l'Archaïque s’est terminée pour laisser place à la période du Sylvicole, correspondant à l’adoption de la céramique et plus tard de l’agriculture. Les conditions écologiques étaient semblables à celles d’aujourd’hui. Comme les Amérindiens se déplaçaient moins, les différences culturelles se sont accentuées et les peuples ont développé leur propre identité. Certains ont formé des tribus nomades, d’autres sont devenus sédentaires et agricoles.

Apparaît à l’écran des framboises mûres et non mûres en gros plan. Images qui défilent : peinture représentant des Européens arrivés par bateau à la rencontre d’autochtones en bordure d’une rivière, aperçu d’une rangée d’une bibliothèque, photo en noir et blanc de deux femmes autochtones assises sur le devant d’une maison en bois, photo actuelle d’un rituel autochtone où on revêt les vêtements traditionnels et utilise des tambours, rivière à l’eau calme et, finalement, un capteur de rêve accroché à un arbre.

[ P.A. ] Avec l’amélioration des conditions de vie, les populations amérindiennes ont augmenté de façon graduelle. Puis, 400 ans avant aujourd’hui, les premiers Européens sont arrivés en Amérique du Nord et avec eux, des documents écrits. C’est donc la fin de la préhistoire pour cette portion du continent, puisque par la suite, les principaux évènements peuvent être retracés dans des documents écrits. L’établissement des Européens a modifié profondément le mode de vie des communautés autochtones. Aujourd’hui, les autochtones représentent environ 1 % de la population canadienne. Au moins 750 générations les séparent de leurs ancêtres qui ont traversé la Béringie.